Le capteur intelligent en agroalimentaire, un mythe ?

23 avril 2021


En cette période bercée par les nouvelles technologies, il en est une qui revient souvent au-devant de la scène : le capteur intelligent. Dans l’industrie, toute branche confondue, les capteurs existent depuis toujours. Les premiers d’ailleurs, ne sont autres que nos 5 sens. Ces derniers permettent de mettre le doigt sur d’éventuels problèmes de cuisson, fraicheur, etc. mais demeurent imprécis.


Depuis quelques temps heureusement, ces « capteurs » naturels ont été partiellement complétés par la technologie. Qu’il s’agisse de sondes de températures, instruments de pesée ou de remplissage, mesures chimiques (ph, chlore, ammoniac, etc.), de viscosité, détecteurs d’ouverture, ou même de caméras, tous ces éléments sont connus et souvent bien en place dans l’industrie agroalimentaire.

 

Mais ces types de capteurs ne sont pas intelligents : ils donnent une mesure. Nous ne parlons pas encore ici de détection, car pour pouvoir détecter, il faut une forme d’intelligence.

 

L’intelligence des capteurs

Aujourd’hui, sur le marché, nombreux sont les constructeurs qui annoncent disposer de capteurs dits « intelligents ». Qu’en est-il vraiment ?


Avant toute chose, il faut discerner un capteur IOT d’un capteur non IOT (Internet of things : Internet des objets). On parlera donc de capteur IOT lorsque celui-ci est connecté à un réseau interne et/ou externe. S’il est autonome et n’est pas capable de remonter une information en dehors d’un éventuel lecteur de mesure local, il n’est pas IOT.

 

On pourrait classer les capteurs selon 3 types :

  1. Les capteurs simples : Ce sont des sondes, qui prennent et donnent une information, sans action. Un employé va alors agir en fonction de l’information prise. Ce type est extrêmement présent dans nos industries.

  2. Les capteurs intelligents « de base » : Ce sont des capteurs couplés à un système d’automatisation et/ou à un système software qui, à la suite d’une programmation préalable, vont agir en fonction de cas de figure bien précis. (exemple courant : si une carotte ne dispose pas de la bonne forme, elle est éjectée de la production). Dans certains cas on pourra déjà parler d’une forme de puissance locale avec parfois du edge computing[1]. Ce type est également bien présent dans l’industrie en général, mais pas encore suffisamment dans le monde agroalimentaire. Ils offrent pourtant de nombreux avantages de gain de temps, de gaspillage et d’exigence consommateur.

  3. Les capteurs intelligents « avancés » : Ce sont des capteurs disposant d’une puissance de calcul embarquée et/ou également avec du edge computing, qui vont pouvoir agir avec plus de complexité, en fonction d’anomalies non préprogrammées et qui ne proposeront l’action humaine ou la décision d’un software que s’ils ne connaissent pas la situation présentée. Ces capteurs font appel à l’intelligence artificielle, au deep learning et sont encore très peu présents en industrie en 2020.

L’utilité des capteurs

Les entreprises agroalimentaires ont de nombreuses contraintes en termes de qualité de produit final. Que ce soient les exigences du consommateur, de l’AFSCA ou d’autres structures de contrôle, il est important pour un producteur de pouvoir satisfaire tant les normes à respecter, que les attentes du marché.

 

Depuis la crise COVID 19, l’e-commerce a pris une place importante chez le consommateur. Il souhaite accéder rapidement à certaines informations (quantités disponibles, allergènes, etc.. ) . Pour y arriver, les capteurs intelligents ont un rôle important à jouer.

 

Lorsqu’une anomalie est détectée, il est facile pour un artisan ou ouvrier de prendre la décision de retirer un produit « anormal » du tapis de production ou d’en modifier certaines caractéristiques, et ce sans en demander l’autorisation à un décideur. Mais encore faut-il que cette ressource soit là au bon moment et relève correctement l’information.

Les capteurs simples sont venus aider l’homme dans cette tâche, mais restent dépourvus de pouvoir d’action. Une sonde de température ne fait rien d’autre que ce pourquoi elle a été créée. Il existe également certains éléments capables de détecter la nature d’un produit, mais ils s’arrêtent aussi à la prise d’information.

 

Les capteurs intelligents, quant à eux, sont venus changer la donne. Aujourd’hui, certaines décisions peuvent à nouveau être prises directement sur la ligne de production sans l’assistance humaine. Parfois couplé à des solutions de « Edge computing », ceci permet réellement d’être efficace immédiatement et localement. Seules les informations de traitement sont remontées vers les éléments centraux et/ou dans le Cloud.

 

Enfin, avec de l’intelligence artificielle, une anomalie nouvelle va par exemple pouvoir être mise en lumière par le système qui décèle un nouvel évènement et qui agit en conséquence.

Exemples courants

  • Découpe de la viande : Des caméras vont pouvoir, avec précision et à l’aide de bras robotisés, découper un morceau de viande brut et en faire des morceaux de poids équivalent et de formes similaires, sans aucun gaspillage.

     

  • Traitement de vidanges : Après traitement de la bouteille (retrait d’étiquettes, bouchons, impureté, lavage, etc.. ), une caméra avancée va analyser les différents aspects de la bouteille (impuretés, analyse chimique, etc..) censée être libérée de ses impuretés et décider si elle l’envoie sur la ligne de production ou l’éjecte.

     

  • Pour certaines fabrications ou étapes dites « critiques », il est nécessaire de prélever des échantillons régulièrement afin de les faire analyser en laboratoire et en valider l’absence de risque chimique. Cette opération auparavant manuelle peut être facilitée et accélérée grâce à l’implémentation de capteurs.

     

  • Des opérations de maintenance prédictive habituellement réalisées manuellement sont aujourd’hui faisables de manière continue directement sur les équipements.

Exemple concret avec le Projet de pôle « AgroSensor »

Le projet AgroSensor est un projet de pôle qui réunit la société B-SENS (coordinateur du projet), les universités UMons, ULiège (Gembloux Agro-Bio Tech) et UCLouvain, le centre de recherche Materia Nova ainsi que les sociétés Lovenfosse, Walagri et Unisensor, le tout avec l’aide de Wagralim.

 

Damien KINET de B-SENS a pu nous expliquer que ce projet vise à mettre au point de nouveaux capteurs de gaz innovants utilisant des matériaux sensibles à base de polymères à empreinte moléculaire. Dans le cadre de ce projet, deux contextes ont été sélectionnés pour développer des démonstrateurs de capteurs afin de répondre à deux problématiques cruciales dans le secteur agroalimentaire.

 

La première concerne la filière porc et le développement d’un nez électronique. Actuellement, il existe dans ce milieu des fonctions de « renifleurs » dont le rôle est de détecter de manière olfactive si une viande plaira au consommateur ou non. Non pas que cette dernière serait impropre mais certaines viandes, une fois cuites, dégagent une odeur désagréable.

 

Pour y parvenir, ces « renifleurs » chauffent la carcasse à l’aide d’un fer à souder, mais cette méthode reste subjective et variable d’un opérateur à l’autre. Auparavant, pour éviter ceci, les verrats étaient castrés à vif mais cette pratique tend à disparaître. Les viandes jugées impropres sont alors orientées vers d’autres modes de consommation.

 

Le projet AgroSensor a entre autres pour but d’aider à la détection de ces viandes non consommables en développant des capteurs à prix démocratiques, rapides et permettant d’identifier ces carcasses de manière fiable.

 

AgroSensor cherche également à développer des capteurs permettant la détection de composés volatils (COV) associés à des mycotoxines élaborées par des champignons pouvant se développer dans les silos mais dont la contamination a eu lieu avant la récolte. En résumé, AgroSensor a pour objectif le développement de capteurs connectés pour la détection de ces COV marqueurs qui permettront ainsi un diagnostic rapide sans préparation d’échantillons et analyses complexes en laboratoire.

 

Exemple concret avec Up Trace, membre de Wagralim

Up trace, société de service qui s’inscrit pleinement dans l’industrie 4.0, est spécialisée depuis longtemps dans les marquages industriels et plus récemment dans le suivi de production, gestion des stocks et dans la traçabilité.

Il y a quelques temps déjà et pour répondre aux besoins croissants des industries, Up Trace a ajouté de l’intelligence au sein de ses capteurs pour permettre de l’interaction entre l’ERP et la ligne de production.

Ils ont conçu un outil software avec lequel ils peuvent compiler et exploiter les données provenant des capteurs. L’outil d’Up Trace joue le rôle d’un MES simplifié, adapté aux PME.


L’objectif est de simplifier l'accès aux données pour que le dirigeant puisse rapidement prendre les bonnes décisions !

 

Qui dit capteurs évolués dit : le tout connecté

Le premier avantage à connecter tous les éléments de la ligne, y compris le plus petit des capteurs, est la perte de dépendance aux éléments centraux. Dans certains cas d’ailleurs, ces éléments centralisés disparaissent des architectures, ce qui permet souvent une certaine économie.

Il n’est même plus toujours nécessaire de tout prévoir lors de l’achat d’une ou plusieurs machines sur une ligne de production puisque les capteurs sont de plus en plus indépendants et peuvent venir se greffer sur l’existant, et ce y compris sur d’anciennes lignes.

C’est par exemple ce que propose notre membre FINEMECA, fabricants de solutions IOT adaptées aux PME et/ou industries souhaitant upgrader leurs installations existantes à moindre coût.

 

L’acquisition d’éléments de détection et de mesure se démocratise donc et ce même au niveau de la connectivité elle-même.

Là aussi, auparavant des technologies en câblages propriétaires ou de type réseau ou encore WiFi étaient indispensables pour déployer une solution performante, ce qui pouvait impliquer un budget considérable.

Aujourd’hui, la pluralité des possibilités de connexions en matière d’IOT rendent les projets plus abordables. (filaire, wiFi, 4G, bluetooth, sigfox, loRa, etc. )

Des réseaux tels que LORA (Proximus ) ou SIGFOX ( Engie M2M ) sont aujourd’hui dédiés aux objets connectés et permettent des intégrations rapides à moindre coût. Ils sont présents sur tout le territoire belge.

 

La protection des données

Toute solution de capteurs intelligents va générer des données.
Ces données vont pouvoir être stockées, pour digitaliser l’autocontrôle, créer des dashboards de mesures, des statistiques, voir créer des algorithmes aidant à la planification APS, etc.

 

Une crainte dans le monde agroalimentaire est souvent de voir ces données disparaître lors d’un incident type incendie, panne technique ou bien de voir ses recettes être dérobées. A ce titre, diverses options s’offrent à vous aujourd’hui, telles que les technologies Cloud.

 

 





Ces dernières peuvent être déclinées sous différentes formules dont voici quelques architectures possibles :

- Cloud Public : Celui-ci est hébergé sur des serveurs mutualisés appartenant à de grandes multinationales comme Google ou Azure. Ceci a l’avantage d’offrir une grande sécurité des données en terme de backups et une technologie toujours à jour. Le coût de ces technologies est relativement bas également. L’inconvénient sera la dispersion territoriale (Europe, US, Canada, etc.. ) et le fait d’héberger dans des sociétés non belges ou non européennes. A cela, des gardes fous existent, comme le GDPR par exemple.

- Cloud privé : Hébergé dans des datacenters physiques identifiés, en dédié ou mutualisé, cela peut être en Belgique. Couplé à une solution de connectivité de type VPN MPLS (une connectivité qui garantit le chemin emprunté par la donnée), nous sommes ici dans une maîtrise de sa propriété intellectuelle de bout en bout. Mais cela impliquera d’office des coûts élevés.

- Cloud Hybride : Si on souhaite toujours avoir une main sur ses données, on gardera un serveur physique dédié dans l’entreprise, que l’on couplera à une solution Cloud privée ou publique dans un souci de redondance.

Une solution purement dédiée dans l’entreprise sans possibilité de backup externe est toujours une prise de risque importante si les données stockées sont sensibles.

 

Financements et accompagnement

Wagralim vous accompagne dans vos projets IOT & capteurs intelligents au travers de deux programmes en cours :

 

Made Different : Un programme d’accompagnement des industries dans la transformation digitale qui offre, à toute structure souhaitant évoluer et disposant de moyens humains et financiers pour y parvenir, un accompagnement approfondi et des méthodes vers une transition saine.

 

Des formules de consultances de plusieurs jours peuvent vous être offertes gratuitement par des experts et ce en fonction de votre maturité actuelle, maturité que nos accompagnateurs peuvent déterminer avec vous.
https://www.digitalwallonia.be/fr/publications/made-different-digital-wallonia

S3FOOD : Programme de financement pouvant atteindre 180.000,00€ par projet, dans des solutions de type capteurs intelligents, sans lourdeur administrative, et dont le prochain appel à projet s’ouvre en Décembre 2020. Wagralim peut vous aider à déposer votre projet et/ou à trouver des partenaires.
https://s3food.eu/apply-for-vouchers/

 

[1] Edge computing = En industrie, Ordinateur local permettant entre autre une prise de décision locale suite à la lecture ou détection d’information depuis un capteur.