La période actuelle a entraîné l’arrêt partiel ou total de nombreuses entreprises, et même si une partie du secteur agroalimentaire a pu continuer son activité, l’arrêt de l’HORECA et la fermeture de nombreux petits commerces aura freiné toute la production du secteur.
On parle pour le monde agroalimentaire d’une perte de plus ou moins 30%, chiffres qui restent à confirmer une fois que toute l’activité aura redémarré.
On le sait, les plateformes en ligne ont la cote dans tous les ménages, et ce depuis quelques années déjà.
Nous remarquons également que le confinement aura fait grimper ce mode de consommation, et les articles de presse et de revues spécialisées à paraître sur la question le confirment. L’e-commerce mondial aurait grimpé de 20% sur cette période.
L’e-commerce = indépendance
Une chose est certaine, disposer d’un système de vente en ligne permet une certaine indépendance quant aux différents canaux de distributions externes habituels. Evidemment, encore faut-il avoir un modèle commercial et un produit qui s’y prêtent.
Créer sa propre plateforme d’e-commerce ne s’improvise pas et peut s’avérer fastidieux dans ses étapes, tant il faut penser à un maximum d’éléments en plus de la simple conception.
Ceci doit être réellement considéré comme l’ouverture d’un magasin physique, avec des difficultés très similaires.
Pendant la crise sanitaire, certains producteurs privés de leurs distributeurs, se sont vus utiliser les réseaux sociaux pour écouler leur marchandise. Et parfois avec succès. C’est le cas par exemple de la Distillerie de Maredsous, qui a pu maintenir 20% de son chiffre d’affaires en mettant en place un système de vente en ligne. Adrien Desclée De Maredsous, General Manager de la distillerie, a accepté de répondre à nos questions.
Le GIN de Maredsous, un Gin artisanal et produit à l’échelle locale, est né d’une étroite collaboration avec l’Abbaye de Maredsous.
Pourquoi avez-vous décidé d’ouvrir une plateforme e-commerce ?
Assez vite, lorsque notre produit a commencé à se vendre, nous avons reçu de nombreuses demandes par mail et via d’autres modes de communication.
Les consommateurs cherchaient à se procurer notre produit mais nous ne disposions pas encore d’assez de présence dans les différents commerces. De plus, nous remarquions que les clients souhaitaient vraiment se fournir directement à la source, c’est quelque chose qu’ils apprécient.
Aviez-vous déjà l’intention d’ouvrir une plateforme e-commerce avant le confinement ?
Oui, dès le départ, le site web développé permettait un e-shop mais il n’était pas activé. Ce dernier est issu d’un développement interne. Aujourd’hui cependant, nous souhaitons faire appel à un partenaire externe spécialisé.
Suite au confinement, nous avons connu une baisse de 80% de notre chiffre d’affaires, nos canaux principaux de distribution se situant dans l’Horeca, dans les magasins gourmets et bio, les cavistes, etc.
La question s’est alors aussi posée d’avoir une présence en grande distribution car ce sont les seules enseignes qui sont restées ouvertes, mais toujours dans des lieux haut de gamme ou BIO pour des questions d’image de marque.
En attendant, nous avons utilisé les réseaux sociaux pour pouvoir distribuer notre produit, en effectuant des livraisons à domicile nous-même.
Vous avez utilisé Facebook pour la vente en ligne, cela a-t-il bien fonctionne ?
Facebook a très bien fonctionné, grâce à une publication sponsorisée que nous avons achetée, nous avons pu réaliser 400 ventes en une seule fois, nous ne nous attendions pas à cela, nous espérions une commande avoisinant les 100-150 unités.
Aurait-elle pu rester votre plateforme unique d’e-commerce ?
Oui et non. Le mieux c’est de rediriger les publications vers le e-shop du site, pour des questions de communication autour du produit.
Comment avez-vous trouvé un partenaire technique ?
Au départ, nous avons utilisé des produits packagés déjà disponibles sur Internet, que nous avons mis à nos couleurs. Il y avait une volonté de le faire par nous-même pour bien appréhender ce type d’environnement, le monde des réseaux sociaux, etc.
Cependant, nous comptons faire appel à un spécialiste ou une agence qui a toutes les compétences pour gérer les réseaux sociaux et la plateforme en ligne en parallèle, nous avons d’ailleurs déjà identifié deux partenaires potentiels en nous inspirant d’autres structures utilisant déjà ce type de service avec succès.
Les frais de livraison sont-ils un frein à la vente ?
Non, les frais de livraison ne coûtent pas très chers et nous avons de toute façon décidé de les offrir à nos clients en impactant légèrement notre marge. Néanmoins, il faut prévoir tout le packaging, l’emballage, et ceci est un peu plus onéreux, d’autant que notre philosophie est de privilégier le durable et le recyclable.
Il faut compter, dans notre cas, entre 1 et 2€ de frais de livraison par bouteille vendue.
Comment organisez-vous la gestion des stocks pour les commandes en ligne ?
Nous avons créé un stock dédié au e-commerce et avons automatisé le fait que lorsqu’un produit est en rupture, ceci apparaisse directement sur le produit concerné.
Pensez-vous que l’e-commerce soit compatible avec « local » ?
Oui, le e-commerce peut rimer avec « local », les consommateurs veulent avoir tout rapidement, avec une commande le matin et une livraison le soir et le local est plutôt bien positionné pour cette approche.
Après avoir découvert l’expérience de l’entreprise « Le GIN de Maredsous » face au e-commerce, nous allons vous fournir les étapes clés nécessaires à sa mise en place.
Par où commencer ?
Qui dit « e-commerce » dit digitalisation. Pour pouvoir créer un site de vente en ligne, il est primordial de disposer d’une vue sur le stock pouvant être mise à jour directement à chaque commande. Mieux encore, avoir une idée en temps réel de la production permet de renseigner un consommateur sur la prochaine disponibilité d’un produit.
Cette étape cruciale nécessite souvent la mise en place d’un outil de gestion des stocks et des commandes comme un ERP ou équivalent. Ceci est, la plupart du temps, une étape compliquée et dépend de l’état de digitalisation de votre entreprise.
Si cela n’est pas possible, il faudra alors constituer un stock dédié et limiter le nombre de produits disponibles afin de pouvoir garder une cohérence et surtout ne pas perdre le consommateur.
Il existe des aides à l’accompagnement sur cette question. Le programme « Made Different » piloté par l’agence du numérique, un organisme issu du gouvernement Wallon, est notamment un moyen de mesurer votre propre degré de maturité numérique. Wagralim est inscrit dans ce programme et peut vous y aider.
Le site web
Disposer d’un site web attractif et sécurisé est une des bases pour pouvoir distribuer et mettre en avant vos produits. Dès la conception, il faudra penser à développer un site qui soit « Web Responsive », c’est-à-dire qui s’adapte à tout type de navigateur (web, mobile, tablette, etc.)
Chaque produit devra disposer d’une photo attrayante et il sera préférable de faire appel à un photographe professionnel pour le mettre en valeur.
Bénéficier d’une description succincte mais efficace par article sera également un atout, sans oublier un lien vers la composition, notamment pour renseigner le consommateur sur les allergènes.
Evidemment, le prix et la quantité disponible sont une évidence et il sera toujours plus sécurisant pour un acheteur de pouvoir disposer d’un espace client afin qu’il puisse suivre l’état de sa commande.
En Europe, il faut se conformer à la réglementation GDPR de protection des données utilisateurs, la plateforme devra donc suivre ces normes et l’avis d’une ressource juridique sera toujours préférable.
Certains développeurs de site web proposent un service de UX Design. Ce terme signifie « User Expérience Design » et permet de rendre le site web plus ergonomique pour le visiteur.
En ajoutant à la plateforme de vente certains outils de « tracking », vous allez pouvoir vous rendre compte de ce que font les visiteurs sur le site et peut-être corriger certaines présentations si vous vous rendez compte que le site n’est pas utilisé comme il avait été pensé à l’origine (clicks répétitifs, rafraichissement de la page, lien inutilisé, etc.)
Enfin, le site web devra être extrêmement sécurisé, pour protéger votre production mais aussi vos consommateurs d’une éventuelle fuite de données.
Les moyens de paiement et la livraison
Comme pour tout, les utilisateurs souhaitent aller vite.
Pour ne pas rebuter certains clients potentiels, il faudra disposer d’un maximum de moyens de paiement. Les plus courants étant ceux par virement instantané en ligne via QR Code ou PC Banking, via carte de crédit ou bien encore Paypal.
Disposer de plusieurs modes de livraison (du standard peu cher au plus rapide plus cher) permettra également à un client d’être satisfait et l’incitera peut-être à commander plus vite.
Comme pour toute plateforme e-commerce, il faudra penser à organiser un stock des « retours de commande » pour des problèmes d’emballages abîmés ou d’erreurs de commande de la part du client.
Le référencement et la communication
Disposer d’une plateforme de vente en ligne sans communiquer, c’est un peu comme diffuser un réseau WIFI public gratuit sans l’afficher. Certains clients le trouveront par hasard, mais finalement il sera peu utilisé.
Il est donc important de bien communiquer, notamment via les réseaux sociaux comme Facebook, LinkedIn, Twitter, mais aussi tout simplement sur l’emballage de vos produits déjà distribués en commerce ou encore via de la publicité.
Le référencement sur des moteurs de recherche tels que le célèbre GOOGLE apporte également une grande visibilité.
Nous avons eu l’occasion d’interviewer Sacha Peiffer, directeur opérationnel chez E-Net Business, agence spécialisée depuis plus de 20 ans dans la conception de sites web, notamment l’e-commerce :
Référencement et communication sont des termes indissociables en matière de e-commerce. Sur Internet, Google est aujourd’hui un incontournable et Facebook prend également une place significative dans la vente en ligne.
Mais ne miser que sur le référencement naturel de Google est une erreur, car le moteur de recherche va mettre des mois à le faire correctement et vous avez peu de chance dans un premier temps d’apparaître en premier dans les résultats des recherches.
La manière de gagner des places résulte de plusieurs facteurs complexes comme le fait d’utiliser de bons mots clés sur votre site web mais aussi de la manière dont on parle de vous sur Internet, dans la presse en ligne, sur les forums de discussions, etc.
Plus Google remarque que vous disposez d’une certaine notoriété, plus il va vous mettre en avant et monter votre position.
Une TPE pourrait facilement détrôner une multinationale si on parle beaucoup d’elle. Croire que Google propulse les géants en premier est faux. Google est très attaché à son image et cherche donc à proposer des résultats pertinents à ses utilisateurs.
Le référencement payant est un moyen d’apparaître rapidement dans les résultats de recherche sous le format « annonce », mais là aussi il faudra utiliser les bons mots clés pour être facilement trouvé.
User du référencement payant est presque une étape obligatoire lorsqu’on veut vendre ses produits en ligne, mais c’est une science et il vaut mieux être accompagné ou disposer d’une ressource interne formée pour y parvenir avec succès.
Il est important de savoir à quelle cible on s’adresse et il est possible sur Google de choisir qui on veut toucher, quelle région on veut cibler, etc.
Actuellement, le coût des mots clés explose car de nombreuses entreprises les utilisent, il y a donc une certaine forme de surenchère, il faut donc éviter les mots clés trop communs.
C’est pourquoi, lorsqu’on a un site web en ligne, il est également nécessaire de bénéficier d’un outil statistique tel que Google Analytics qui permet d’avoir une bonne vue des visites que l’on obtient.
Enfin, Facebook possède lui aussi une offre à ne pas négliger. La force de ce réseau social réside dans le fait qu’il connaît tous ses utilisateurs. Leur âge, région, sexe, centre d’intérêts, statut, amis, etc. Vous pourrez donc facilement demander au réseau social d’afficher une publicité de votre activité uniquement vers la cible de consommateurs qui vous intéresse.
E-Commerce et Local
Le e-commerce peut-il rimer avec local ?
La notion de « Phygital » est parfois étrangère à certains mais se rapproche du commerce local, il s’agit d’un terme utilisé lorsqu’on allie vente en ligne et retrait en magasin.
Le produit est présenté en ligne, peut être payé, peut être parfois livré mais pourra aussi être retiré par l’acheteur.
Le e-commerce local est un mode de fonctionnement complexe d’un point de vue livraison et rentabilité, mais qui se doit d’être envisagé, la demande des consommateurs allant dans ce sens.
Julien Blaise, responsable de EUROFIT, un membre de Wagralim distributeur de produits laitiers, nous explique être occupé à mettre en place une plateforme de vente en ligne destinée aux produits locaux.
Avec EUROFIT, ils ont créé le site « The Good Food », https://www.thegoodfood.eu/fr/ rassemblant les produits de l’entreprise qui sont dits "sains". Ils souhaitent, par cette initiative, sortir de leurs "habitudes" autour du lait. L’idée est aussi de disposer de produits frais et de produits locaux (non disponibles sur le site actuellement) à vendre en circuit court.
La difficulté dans la livraison de produits locaux se présentera surtout quand il s’agit de produits frais et périssables. La crise sanitaire actuelle nous aura appris qu’en Chine, ce type de distribution se fait déjà couramment et sans problème. Néanmoins, les villes Chinoises sont très peuplées et à forte densité, il n’est donc pas compliqué pour un producteur d’être rentable dans ce type d’environnement.
Il n’en est pas de même pour la Belgique et encore plus la Wallonie où les habitations sont plus espacées. La logistique pour maintenir une bonne chaîne du froid est plus contraignante. Néanmoins des initiatives apparaissent et le confinement en aura encouragé plus d’un à prendre en charge eux-mêmes la livraison à courte distance.
Conclusion
Mettre en place une solution d’e-commerce n’est donc pas une chose compliquée si on a déjà une idée claire de l’état de sa production, et les aides en la matière se multiplient.
Des plateformes qui facilitent ce type de déploiement, voient le jour. Le confinement a provoqué l’accélération de ce type de démarches au sein de plusieurs producteurs et il est probable que ceci se maintienne.
Le plus important restera de disposer des bonnes ressources, tant logistiques qu’humaines pour pouvoir gérer cette plateforme comme étant un vrai canal de vente de l’entreprise.
Différentes initiatives régionales existent pour aider les sociétés dans ces démarches, il existe des financements, des subsides et des chèques formations auxquels on peut faire appel.
Wagralim peut vous accompagner ou vous conseiller dans ces dernières, en vous orientant ou en vous mettant en relation avec un réseau d’experts spécialisés.
Plus d’infos ici : https://www.wagralim.be/services/digitalisation/
Sources
https://www.gondola.be/fr/news/le-commerce-mondial-augmente-de-20-depuis-le-confinement
https://plus.lesoir.be/301900/article/2020-05-19/shops-le-virage-serre-de-facebook-vers-le-commerce