La valorisation du lactosérum en Région wallonne au travers de l’avis d’un expert

April 23, 2021


Obtenu après la coagulation du lait, le lactosérum est un liquide riche en lactose, en minéraux, en vitamines et en protéines à haute valeur nutritionnelle. Malgré ses nombreuses qualités, le lactosérum reste compliqué à valoriser en Région wallonne, surtout vers la consommation humaine. Actuellement, il est principalement utilisé en alimentation porcine ou est épandu sur les champs de culture.

 

Cependant, dans le cas d’une unité de transformation telle qu’une fromagerie ou une laiterie, la gestion du lactosérum peut devenir contraignante avec des volumes conséquents. De plus, certaines normes autour du transport du lactosérum compliquent la vente à des éleveurs[1]. De nos jours, le challenge des producteurs de lactosérum est important. D’autant plus quand on sait que d’ici 2030, il n’y aura plus assez de lactose (un des constituants du lactosérum) pour couvrir les besoins des consommateurs à l’échelle mondiale.

 

Pour en savoir plus, nous avons posé quelques questions à un expert reconnu dans son domaine. Pierre Schuck détient un double bagage dans le domaine. D’une part, Pierre Schuck est à la tête de nombreuses recherches en laboratoire, ce qui lui permet d’être à jour des dernières recherches dans le domaine. Et d’autre part, il travaille en collaboration directe avec le secteur industriel, et ce au niveau international (USA, Canada, Uruguay, Brésil, Irlande, Danemark, Espagne, etc.).

 

Grâce à son expérience, nous allons essayer de répondre à la question : quel sera le challenge des industriels du secteur fromager dans un avenir proche ?

 

 

pierre

 

 

Pierre Schuck, spécialiste en Science et Technologie du lait et de l’œuf à l’INRA (Rennes)

 

 

 

 

Wagralim : « D’après votre connaissance du secteur, pouvez-vous nous en dire plus sur la production et l’utilisation du lactosérum au niveau européen dans les prochaines années ? »

 

Pierre Schuck : « Avec la demande croissante des poudres de laits infantiles, le lactosérum et ses dérivés (lactose et protéines solubles) vont devenir des ingrédients majeurs sur le marché des poudres laitières. En effet, pour essayer de mimer du mieux possible le lait humain à partir de lait de vache ou de chèvre, il est nécessaire d'apporter du lactose et des protéines solubles. Ces ingrédients peuvent venir de lactosérums légèrement déminéralisés ou via le fractionnement du lactosérum avec, d'un côté, des protéines solubles et, de l’autre, du lactose. »

 

Wagralim : « Le lactosérum contient plus ou moins 5% de matières sèches, dont certaines molécules avec des propriétés à haut potentiel. Selon vous, quelle serait la fraction la plus intéressante à valoriser au niveau industriel ? »

 

Pierre Schuck : « Je dirais plutôt que le lactosérum contient au moins 6 – 6,5 % de matière sèche avec des centaines de molécules présentes dans le lait natif ou issues de la transformation fromagère. De nombreuses études ont montré l'importance des peptides et des protéines à caractère bioactif. Mais il faudra encore beaucoup d'années de recherche avant de toutes les identifier, les purifier et les stabiliser pour les valoriser. En tout cas, avant d'aller sur la valorisation de ces composants, il ne faut pas oublier que l’ingrédient majeur des lactosérums reste le lactose. Il représente entre 65% (lactosérum acide) et 75% (lactosérum doux) de la matière sèche. Cet ingrédient a un bel avenir devant lui. »

 

Wagralim : « Pourriez-vous donner un exemple de système de valorisation mis en place par des industriels ? »

 

Pierre Schuck : « J'ai aidé et continue d’aider de nombreuses entreprises françaises et étrangères à améliorer, optimiser et contrôler la cristallisation du lactose dans le but de produire des poudres de lactosérum et des dérivés de très haute qualité. Cela passe par l'amélioration des connaissances relatives à la cristallisation et au séchage de manière à bien maîtriser les interactions entre les procédés et les produits. Il n'y a pas un lactosérum, mais des lactosérums, autant que de variétés de fromages produits. Il reste important de continuer à investir dans des programmes de recherche pour in fine, obtenir un transfert de connaissances technologiques et scientifiques vers le monde industriel. »

 

Wagralim : « Il y a quelques mois, nous vous avons invité pour présenter vos recherches. Entre temps, des pistes de réflexion sont en cours au niveau de la Wallonie. Pour vous, quels sont les éléments clés pour mener à bien ce type de projet ? »

 

Pierre Schuck : « Je pense que la première étape est de mettre les acteurs de la profession autour de la table, à savoir les producteurs, les transformateurs, les équipementiers, l'interprofession, les financeurs et bien sûr, les chercheurs. Ensuite, il faudra étudier les interactions entre les procédés et les produits en posant les bonnes questions. En quoi les modifications de procédés de fromagerie, la concentration, la cristallisation ou le séchage vont modifier la qualité des poudres de lactosérum et ses dérivés ? En quoi les modifications de la composition des lactosérums et de ses dérivés vont modifier la qualité des poudres qui en seront issues ? Faudra-t-il modifier les process de la concentration, de la cristallisation et du séchage pour produire des poudres de qualité ? Pour terminer, l’innovation a toute son importance. Or, on oublie souvent que l'innovation passe aussi par les procédés ; valoriser l'approche génie des procédés devient le parent pauvre de la transformation laitière.

 

Le pôle Wagralim œuvre à la réalisation d’un projet de valorisation avec les différents acteurs concernés par la problématique du lactosérum. Vous êtes producteurs ou utilisateurs de lactosérum et seriez intéressés par cette démarche ? Contactez Caroline Louis, Conseillère Keyfood en Nutrition et Santé chez Wagralim !

 

Pour en savoir plus sur les recherches de Pierre Schuck, téléchargez le document ci-dessous.

 
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[1] Plateau, L., Holzemer, L. Nyssens, T., Maréchal, K. (2016), Analyse dynamique de la durabilité vécue et mise en œuvre par les acteurs des circuits courts, Rapport de recherche, CEESE-ULB.